Les congés payés ont 80 ans !

De l’exception à la généralisation

Les congés payés en France ont été mis en place par Napoléon III (décret impérial du 9 novembre 1853) mais ils étaient réservés aux fonctionnaires. Au début du XX° siècle ce sont les salariés du métro parisien qui bénéficient de 10 jours de congés, en 1905 c’est au tour des employés des usines électriques et l’année suivante ceux des usines de gaz. En 1913 enfin, les employés de bureaux obtiennent une semaine de congés.

Dans le secteur privé déjà les conventions collectives de 1929 permettent aux ouvriers et ouvrières du secteur de la couture, du livre, d’obtenir une à deux semaines de congés.

En 1934, le directeur Fred LIP qui deviendra premier horloger de France, généralise les congés pour tous ses salariés. deux tiers des salariés alsaciens bénéficient des congés payés comme leurs voisins allemands qui y ont droit depuis 1905.

En Europe dans les années 1910 c’est au tour des pays scandinaves, l’Autriche-Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne, Luxembourg, de profiter du droit aux vacances puis dans les années 20 c’est à la Grèce, la Roumanie, l’Espagne, et le Portugal.

L’œuvre du Front populaire

Le gouvernement d’union des gauches conduit par Léon Blum aura fait preuve d’avancées sociales sans précédent et de modernité puisque trois femmes sont nommées ministres, alors qu’à cette date les femmes ne sont ni éligibles ni électrices.

La loi du 20 juin 1936 sur les congés payés est encore aujourd’hui considérée comme la plus emblématique des avancées sociales du Front Populaire. Pourtant elle ne figurait ni dans le programme électoral du Front Populaire, ni dans les revendications prioritaires des ouvriers.

Sur le plan politique, la CGT avait déjà inscrit le droit aux congés payés dans son programme de 1926, la SFIO défendait le principe alors que le parti communiste était plus attaché à la durée de la journée de travail.

Léon Blum annonce dans une des premières allocutions radiodiffusées le projet de loi sur les congés payés dans l’espoir de faire cesser l’occupation des usines.

Réunis par le président du Conseil, Léon Blum, la confédération du patronat (Organisation syndicale des patrons) et la confédération générale du travail (Organisation syndicale des ouvriers) signent les accords Matignon le 7 juin 1936 et donnent naissance à trois lois votées fin juin :

• l’instauration des 15 jours congés payés.
• la semaine des quarante heures.
• l’extension des conventions collectives et l’augmentation de 12 % des salaires.

A ces mesures s’ajoute l’allongement de la scolarité jusqu’ à 14 ans.

Les textes sur les congés payés sont votés par la chambre des députés le 11 juin 1936, par 563 voix contre une.

La loi est promulguée le 20 juin 1936, les décrets sont pris le 1er août avant les vacances parlementaires. Les congés payés pour tous sont nés !

L’avènement des loisirs et la démocratisation de la culture

Les vacances payées posent la question du statut et de la fonction du travail et ceux des loisirs au sein de la société.

L’état crée un sous-secrétariat d’état aux sports et aux loisirs qui sera confié à Léo Lagrange. Il déclarait : « le but simple et humain est de permettre aux masses de la jeunesse française de trouver dans la pratique des sports la joie et la santé et de construire une organisation des loisirs telle que les travailleurs puissent trouver une détente et une récompense à leur dur labeur ».

Son œuvre de développement des loisirs populaires est remarquable :

• Il crée un conseil supérieur des sports qui regroupe toutes les associations, développe les infrastructures sportives et les activités de plein air.
• Il développe les auberges de jeunesse crée par Marc Sangnier en 1929 qui offre des logements bon marché pour les plus jeunes.
• Cela permet également le développement du sport féminin très marginal jusqu’alors.

Les « billets Lagrange » sont des billets de trains à prix réduits pour partir en vacances. Les conditions pour bénéficier de ces titres de transport, vendus 40 % moins cher, étaient de partir plus de cinq jours à plus de 200 kilomètres de chez soi. Plus de 500 000 billets sont retirés dans les gares parisiennes dans les mois de juillet-août.

Une véritable révolution, non seulement sur le plan social mais aussi économique s’opère avec l’essor de l’industrie touristique.

Les congés payés favorisent les loisirs sportifs, touristiques et culturels et permettent de voyager. Les cartes postales et les affiches de l’été 1936 immortalisent, dans des clichés devenus célèbres, les scènes de départs en vacances, en vélo, en train et les baignades au bord de mer. Les stations balnéaires naissantes accueillent de nouveaux touristes dont le déferlement sur les plages va troubler les habitudes d’un public privilégié qui n’est plus le seul à profiter des joies de la plage. Ce mouvement de masse sera méprisé par la bourgeoisie et l’extrême droite française qui estime que la place des ouvriers est dans les usine. C’est aussi le début d’un tourisme de masse qui se développera après la Seconde Guerre mondiale et, avec lui, la transformation des côtes françaises notamment le développement de la côte d’azur. En savoir plus.

Enfin la culture se démocratise : le Front populaire crée « l’association des Maisons de la culture » qui la rend accessible à tous. La littérature, le cinéma et le camping trouvent alors de nouveaux adeptes..Il faudra attendre 1959 pour que le président de la République Charles de Gaulle confie à André Malraux le ministère des affaires culturelles.

C’est en 1955 que la régie Renault dirigée par Pierre Dreyfus offre une troisième semaine de congés payés à ses employés et même une quatrième en 1962 contre l’avis des pouvoirs publics ! De Gaulle lui déclarera :  « Vous n’avez aucun sens de la discipline, mais vous avez bien fait ». Son exemple sera suivi par de nombreuses entreprises.

Sous le gouvernement de Guy Mollet, la loi du 27 mars 1956 instaure officiellement trois semaines de congés payés, quatre sous celui de Maurice Couve de Murville. Enfin le 13 janvier 1982 la cinquième semaine sera votée sous le gouvernement de Pierre Mauroy. Dans une moindre mesure les RTT instaurées après les lois Aubry aménagent le temps de travail et permettent également de consacrer son temps de libre au loisir.

Place dans le programme

Histoire classe de troisième : Thème 1 : L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945); Démocraties fragilisées et expériences totalitaires dans l’Europe de l’entre-deux-guerres

Histoire classe de première : Thème 5. Les français et la République. La République et les évolutions de la société française.

Proposition d’activité pédagogique :

Exprimer un point de vue sur un événement historique :

Quels types de supports ?

Cet article, le document vidéo et l’affiche, peuvent être complétés par d’autres documents sur le témoignages d’ouvriers, de patrons, de syndicalistes et même de Français de catégories sociales différentes, d’articles de journaux de l’époque qui commentent ces évènements

Quelle mise en œuvre ?

Le corpus documentaire constitué, chaque groupe doit répondre à la question suivante :

«  Le 3 mai 1936, le Front populaire remporte les élections. Léon Blum devient président du conseil et veut mettre en œuvre le programme électoral de l’union de la gauche. De mai à juillet 1936, vous assistez à la victoire du front populaire, aux grèves générales qui paralysent le pays et à la mise en place des réformes sociales. Vous êtes témoin de ces évènements, vous les commentez et exprimez votre point de vue selon la catégorie sociale à laquelle vous appartenez., notamment sur l’apparition des congés payés dans votre vie et celles des français.»

Premier scénario, les élèves réunis par groupe de 4, pourraient avoir à leur disposition un corpus documentaire par types d’opinion de français selon leur catégorie sociales. Une mise en commun permet de montrer les différents points de vue.

Deuxième scénario, le corpus documentaire est composé de documents exprimant tous les points de vue, dans ce cas, les élèves croisent les témoignages et comparent les points de vue.

Sébastien Brunet Professeur chargé de mission par la DAAC au service éducatif des archives communales de la ville d’Arles