Le livre rouge ou cartulaire de la ville d’Arles

Les Archives communales d’Arles conservent quelques documents remarquables datant du Moyen Âge accessibles désormais en ligne, ce qui permet à chacun de les feuilleter comme s’il avait l’original entre les mains. Parmi ceux-ci, figure un imposant registre in-folio du XVè siècle coté AA7 particulièrement bien conservé et appelé autrefois « le Livre rouge » en raison sans doute de la couleur fauve de sa reliure.

Description matérielle

Mesurant pas moins de 65 cm de long sur 49 cm de large, la couverture est constituée de planches de bois ou « ais », revêtues de basane (peau de mouton tannée). Le cuir qui la protège aujourd’hui n’est cependant pas d’origine, la reliure ayant été refaite à l’identique en 1987. Celle-ci est estampée à froid c’est-à-dire décorée de filets et de motifs imprimés dans le cuir à l’aide de fers chauffés, appliqués directement sur la peau. Elle est renforcée de 4 coins en fer et au centre d’une pièce métallique dite « ombilic ».

En effet, au Moyen Âge, les livres sont rangés à plat ; pour les protéger, on ajoute à la reliure des morceaux de métal aux endroits les plus fragiles que sont les coins et les plats. Le « Livre rouge » garde encore trois des quatre fermoirs qu’il possédait à l’origine.

A cette époque, il était aussi muni d’une chaîne et d’un cadenas et attaché en permanence, pour plus de sécurité, au bureau du conseil de la ville dans la maison commune.

Il contient 73 feuillets de parchemin couverts d’une belle écriture cursive bien lisible, même si, à partir du folio 42, d’autres mains interviennent. C’est en 1426 que la ville achète 40 peaux de parchemin de mouton pour le confectionner. On distingue encore la réglure, ensemble des lignes tracées probablement à la mine de plomb qui délimitait la surface d’écriture et servait à guider le scribe. Si ce document est remarquable par ses dimensions, il l’est également par ses grandes lettrines ornées à l’encre rouge dont les hastes et les hampes se déploient dans les marges* ; fioritures ainsi que motifs végétaux sous forme de feuillages, fleurs et ramifications, s’épanchent ainsi dans les espaces laissés libres de la page.

On trouve également des « lettres à cadeaux », lettres ornées d’entrelacs de traits de plumes pleins et déliés. En haut et en bas des pages, les lettres se prolongent par de longues antennes, par des vrilles ou voient s’enrouler autour de leurs jambages des phylactères recouverts d’écrits (banderoles aux extrémités enroulées) ; nombreuses aussi sont celles où apparaissent des figures de profil ou grotesques. Relativement sobre jusqu’au folio 17, le décor prend toute son ampleur à partir des actes concernant le comte de Provence Louis II (1384-1417), qui est venu plusieurs fois à Arles et dont le mariage avec Yolande d’Aragon a été célébré à Saint-Trophime en 1400 ; il disparaît ensuite complètement à partir du folio 42 pour les actes copiés après 1426.

La facture soignée et l’ornementation du « Livre rouge » montrent l’importance de ce recueil de titres pour la ville ; on y voit aussi l’expression d’une certaine liberté du scribe.

Contenu

Le document, rédigé en latin par un notaire de l’administration communale, Bertrand Bertrand, commence par une invocation divine à l’encre rouge, le plaçant sous le patronage de Jésus, de la Vierge Marie mais aussi de saint Trophime et de sainte Marthe ce qui montre l’ancrage local. Après un préambule, suit une table alphabétique. Il est relativement facile de se repérer dans le registre, le titre et résumé de chaque pièce comme le nom du souverain concerné étant le plus souvent tracés à l’encre rouge (ou rubriqués). Deux cent un paragraphes, essentiellement des extraits de lettres patentes et conventions des souverains successifs de la ville, figurent dans ce recueil, couvrant une période qui va de 1281 à 1516. Si les actes sont ordonnés par souverain, ils ne suivent pas un ordre chronologique précis. Parmi les actes copiés après 1426, 15 sont en français. Un document, cependant, n’est pas de même nature que les autres, c’est aussi le seul à être provençal : il s’agit d’un inventaire des archives, bannières et armes conservées dans la maison commune en 1427 (folio 50).

Histoire

Le 25 mars 1426, fête de l’Annonciation qui marque à cette époque le début de l’année à Arles et dans une partie de la Provence, de nouveaux consuls entrent en charge. C’est aussi la date des premières délibérations conservées aux Archives communales. C’est à ce moment-là que le conseil décide de faire recopier les concessions de privilèges faits aux Arlésiens par le souverain, en l’occurence le comte de Provence et les transactions passées avec lui depuis la fin du XIIIè siècle. Il s’agit donc de recueillir, d’ordonner et de rassembler tous ces actes isolés qui, conservés dans des coffres à la maison commune, accordent des droits essentiels aux Arlésiens en matière administrative, judiciaire, fiscale et commerciale. C’est pour la défense des « libertés » de la ville et afin que les officiers royaux présents et futurs ne puissent alléguer l’ignorance de ces privilèges lorsqu’ils prêtent serment, que l’on a élaboré ce cartulaire « ad futuram rei memoriam » (pour servir de mémoire à la postérité). Il doit permettre également de sauvegarder des originaux fragiles et d’en faciliter la consultation. Les concessions de privilèges qui interviendront après 1426 y seront rajoutées ; on trouve notamment les actes relatifs à l’union de la Provence au royaume de France après la mort du dernier comte de Provence en 1481.

Le « Livre rouge » est donc un véritable « monument » de la mémoire de la ville. Contenant des copies d’actes dont les originaux sont parfois perdus, il constitue une source précieuse pour les historiens du Moyen Âge.

* : Des cartes postales (1€) et marque pages (0,50€) ont été édités à partir des lettrines et détails du Livre rouge. En vente aux Archives communales d’Arles – Espace Van Gogh, 1er étage – Rue du Président Wilson, 13200 Arles