Le théâtre à Arles

Au XVIIIe siècle, le théâtre prit une grande importance en France et à Arles. Ainsi, un des plus acteurs tragiques de l’époque : Lekain, comédien du roi et protégé de Voltaire, vint à Arles.

Les bâtiments du théâtre

Le théâtre scolaire

Le collège des Jésuites illustre l’utilisation du théâtre dans l’enseignement scolaire. Il fut élaboré dès les origines de l’ordre en 1556. Les sujets étaient les dialogues, des comédies morales qui s’inspiraient de la Bible, de la vie des saints, de l’histoire de l’Église, de l’antiquité… Deux représentations étaient données par an, dans des lieux publics ou plus généralement dans l’église du collège, l’une à l’occasion des prix et l’autre moins solennelle et plus brève.

Peu à peu, ces représentations sortirent du cadre de l’enseignement et leur répertoire devint plus profane. Jugées alors trop indécentes pour continuer à être représentées dans les églises, elles furent jouées à l’extérieur ou au sein de salles dites d’actions.

De 1650 à 1680, la tragédie et le ballet furent les seuls genres à être représentés et leurs thèmes furent marqués par les victoires militaires de Louis XIV. De 1671 à 1696 les tréteaux scolaires s’ouvrirent de plus en plus à la comédie et, malgré les interdictions des supérieurs et les protestations de Rome, le nombre de ballets se multiplia, l’usage du français se répandit et, bien que joués par de jeunes hommes, des rôles féminins furent introduits.

Les salles de spectacles à Arles avant 1839

Les fonds d’archives démontrent un problème de dénomination, et de fonction des lieux cités. En effet le terme de « salle de spectacles » était très souvent utilisé pour différents édifices : salles de bals, lieux de représentations théâtrales…

La salle de la Rotonde

Un premier bâtiment, servant à des réunions, fut construit entre 1790 et 1791 par la société de la Rotonde qui regroupait la chambre des Marchands et la société des Antonins. En 1793 les associés se dispersèrent ; « l’édifice fut ruiné, les murs démolis, les degrés, les fers et les bois enlevés ». L’édifice fut vendu.

Il céda la place au café de la Rotonde dont le propriétaire, Pierre David, demanda en 1835 au Maire d’Arles « l’autorisation de former un théâtre dans son café ».

Le jeu de paume

Un autre lieu était situé entre les ruines du théâtre antique et de l’amphithéâtre romain : le Jeu de Paume. Cette salle, aussi appelée salle Seveirac, du nom de ses propriétaires, fit l’objet de nombreuses réparations jusqu’en 1833. Il semble disparaître autour de 1842.

Ce lieu, bien que qualifié « d’infâme » servait encore de 1836 à 1840 car la ville ne possédait pas d’autre salle municipale pour accueillir la troupe de l’arrondissement théâtral. En effet la salle de la Rotonde étant privée, une troupe privée autorisée par l’État s’y produisait et la troupe officielle ne pouvait y jouer.

Le théâtre municipal

Dès 1822 un premier projet d’une nouvelle salle de spectacles fut élaboré mais n’aboutira pas. D’autres, définis par rapport à la promenade des Lices, suivront :

Le projet Bourdet

Dans la première moitié du XIXe siècle la ville d’Arles se déchargera de son projet d’ouverture d’une salle de spectacles sur un Arlésien : monsieur BOURDET. Avec l’aval du Conseil Municipal, ce dernier prit à ses frais le rachat de maisons. Cependant, vers la fin des années 1820, un changement de Conseil Municipal en marqua la fin. En effet, l’emplacement prévu, dans un quartier clos, sans possibilité d’intervention, accentuait le risque d’incendie. Ce souci déterminera d’ailleurs le choix de l’emplacement du futur théâtre.

Le projet de Gisors

Le 18 février 1828 le Maire prit l’initiative de trouver un architecte pour la construction du théâtre. Au printemps 1828, Alphonse Henri de Gisors (1796 – 1861) fit parvenir le programme architectural dont seuls les plans et le devis sont conservés aux archives d’Arles. Bien qu’en 1830 ce projet ait été accepté par l’État, la construction dut s’arrêter et il fut abandonné.

Le projet Bourdon

L’arrivée de la municipalité de Boulouvard (1835 – 1843) vit la reprise du projet et sa conduite à terme. L’emplacement du projet de De Gisors fut conservé et, le 10 mars 1837, la candidature de l’architecte Bourdon fut retenue par le conseil municipal.

En octobre 1837 le programme des travaux fut examiné par le Conseil des Bâtiments Civils et le 14 janvier 1838 les travaux furent mis en adjudication. Ce fut l’entrepreneur Chambon qui l’emporta.

En avril 1838 les dernières maisons furent démolies et la construction des élévations débuta en intégrant les premières fondations qui furent en partie réutilisées.

Durant l’hiver 1838 – 1839 Bourdon chercha les entreprises pour les combles, les machineries et l’éclairage. Bremant, machiniste du grand théâtre de Marseille, fut choisi pour exécuter les machines du théâtre d’Arles. L’entreprise parisienne Clemançon reçut a commande un lustre à trente-six becs pour la grande salle et quarante lampes.

Des problèmes de lenteur dans l’exécution des travaux ralentit l’implantation de la troupe du 18e arrondissement placée sous la direction de Monsieur Perrin (au XIXe siècle les théâtres sont répartis en arrondissement au niveau national). Cette troupe avait été formée et entretenue pour être opérationnelle au printemps mais, le 12 octobre 1839, lors de l’ouverture et de l’inauguration du théâtre, les travaux n’étaient pas terminés. Les mosaïques, réalisées par Monsieur Pasqualina ne furent achevées qu’à l’été 1840 et la salle du Foyer ouverte courant juillet. En janvier 1840, le plancher pour les bals est posé. Il s’agissait d’un plancher à compartiment pouvant être « monter en une heure ». Les premiers bals eurent lieu en février mais il fallut attendre l’automne 1840 pour voir l’achèvement des travaux.

Les transformations des XIXe et XXe siècles

Les aménagements de la fin du XIXe et du début du XXe siècle

Depuis 1840, le théâtre a subi de nombreuses modifications. En 1860, il est équipé de l’éclairage au gaz. En 1869, les premiers travaux de réparations sont effectués avec l’agrandissement de la galerie des premières loges de la salle de spectacle. En 1881, l’architecte de la ville engage des travaux en prévention d’un incendie.

En 1903, s’opère une première phase de transformation du projet Bourdon. Une terrasse, soutenue par des colonnes de fontes, est ajoutée. Ces supports classicisants ne se rapprochent que peu de l’Art nouveau, style de cette époque.

Les transformations de 1951

En 1951, le théâtre est fermé après un rapport alarmiste de la Commission de sécurité. Les travaux de réfection sont approuvés lors du conseil du 10 mai 1951 pour une valeur de 8 millions de francs mais il s’avéra que la vétusté était plus importante que prévue. Le coût final s’éleva à 12 millions de francs et les travaux de modification consacrèrent la fin du théâtre à l’italienne : les trois niveaux de loges disparurent pour laisser place à un parterre et un balcon avec poulailler ; les boiseries dorées de 1840, de Victor Chenillon, disparurent ; l’escalier central monumental fut arasé et les escaliers de côté furent modifiés pour arriver de chaque côté du balcon… Le théâtre de 1951 n’a plus rien à voir avec celui conçu par l’architecte Bourdon au XIXe siècle.

Le théâtre aujourd’hui

Fermé au début des années 90, la réouverture du théâtre fut au coeur des débats. En 1995, la municipalité, décida d’engager sa rénovation. Le 20 octobre 2001 marqua la fin des travaux de rénovation. Le théâtre n’a plus le statut de théâtre municipal, sa gestion a été confiée, par délégation de service public, à une association au sein de laquelle figurent les principaux opérateurs culturels de la ville.

Depuis ces travaux, derrière son ancienne façade, elle-même restaurée, la salle offre à 300 spectateur tous les impératifs d’un véritable théâtre moderne.

La vie du théâtre

La gestion du théâtre et la vie des troupes

Dès le début, la gestion du théâtre est établie par un cahier des charges. Deux types d’exploitation existèrent à Arles :

La nomination d’un directeur

Le théâtre pouvait être concédé pour un an à un directeur en échange d’obligations : imposition d’un nombre de représentations par semaine, respect du prix des places établi par le Maire… Au XIXe siècle, le directeur devait remettre avant le début de la saison un tableau de la troupe avec la liste des acteurs, leurs rôles, le personnel administratif employé. Il devait aussi fournir la liste des pièces pour toute la saison (au minimum deux représentations par semaine).

Le directeur payait ses acteurs, son personnel, l’entretien courant du théâtre, mais il n’avait comme entrée d’argent que les places payées par les spectateurs. Il arrivait que certaines années, lorsque les Arlésiens boudaient les représentations, le directeur doive payer des factures de ses propres deniers et démissionne car il n’avait plus assez d’argent pour faire vivre le théâtre. En général, le personnel technique dépendait de la mairie (machinistes, éclairagistes, concierge).

La location

Une autre solution consistait à louer le théâtre à des troupes de passage ou à des entrepreneurs de spectacles. Le loueur s’acquittait du montant du loyer et en échange la ville lui fournissait la salle et le personnel. Le cahier des charges imposait souvent la durée de la saison théâtrale (environ huit mois de septembre à mai) et le type de spectacles (comédie, vaudeville, opéra, opérette, drame…). Pour la saison 1873-1874 le public put même voter pour accepter ou rejeter un artiste après trois représentations.

Quant à l’exploitation du buffet et de la buvette, la concession se fit à part ; un cahier des charges propre leur était réservé après adjudication et délibération municipale. Mais parallèlement des marchands de bonbons et de berlingots avaient le droit de vendre à l’intérieur du théâtre à condition de s’acquitter du prix de l’emplacement.

Du théâtre à la salle polyvalente

L’utilisation du théâtre à la fin du XIXe siècle

Dès le début, les directeurs du théâtre avaient le devoir de varier le répertoire qu’ils proposaient : drames, comédies, vaudevilles, opéras, opérettes… Soit la troupe était pensionnaire du théâtre, soit elle appartenait à un entrepreneur de spectacles et se produisait dans plusieurs villes.

Pendant la période du Carnaval, il n’y avait pas de représentations, le théâtre était transformé en salle de bal pour les bals masqués.

L’utilisation du théâtre au XXe siècle

Durant le XXe siècle, le théâtre est utilisé pour différents événements, autres que des représentations théâtrales, il fait office de salle polyvalente. Il a ainsi abrité des réunions de syndicats, des assemblées de clubs divers, des représentations de marionnettes, et bien entendu des pièces de théâtres. Aujourd’hui encore il est utilisé à des fins autres que théâtrales.

On peut aussi se rendre compte, que des liens privilégiés existaient avec certains organisateurs de spectacles : c’est notamment le cas des tournées Charles Baret. Elles existent depuis 1880 et venaient se produire plusieurs fois tous les ans à Arles. En 1921, Charles Baret obtient même la concession du théâtre pour toute la saison. Dans les années 60-70, il existe un abonnement spécial pour les tournées Baret (en général il y avait 7 spectacles par an). Quelques pièces de théâtre remportent les suffrages du public tels que : « Patate », « Qui a peur de Virginia Woolf ? », « Noix de coco ».

Doc 6 : Programmes et affiches du théâtre d’Arles 1960-2000

La police des spectacles 

La réglementation

Afin que les représentations théâtrales se déroulent correctement, toute une réglementation, à l’attention des spectateurs et des directeurs de théâtre, a été établie en septembre 1839, pour l’ouverture de la nouvelle salle de spectacles. A chaque représentation un Commissaire et des agents de police sont présents dans le théâtre pour prévenir et agir en cas de désordre.

Les recommandations sur la façon de se tenir sont exposées aux spectateurs : ne pas s’arrêter dans les lieux de passage, laisser les affaires encombrantes au vestiaire, ne pas amener d’animaux, ne pas fumer, ne pas crier, ni siffler, ni lire, ni chanter, ne pas faire de dégradations. Les spectateurs qui ne respectaient pas ce règlement pouvaient être traduits devant les tribunaux.

Mais dans l’ordonnance sur la police du théâtre apparaissent aussi les obligations des directeurs de théâtre ou des entrepreneurs de spectacles : les heures d’ouverture et de fermeture du théâtre , l’entretien courant de la salle.

Cette ordonnance a été établie par le Maire pour « la sûreté publique, le maintien de l’ordre, la décence et la paix dans les grandes réunions que le théâtre attire ». Malgré cela il arrive qu’il y ait quelques débordements mais cela semble avoir été assez rare.

La censure

Tous les pays à un moment donné ont usé de censure. À Arles, il semblerait que les contrôles aient été réalisés pour des raisons politiques. Dès le XIXe siècle, des interdictions de pièces venant du ministère de l’Intérieur parviennent jusqu’à la Mairie par l’intermédiaire de la Sous-Préfecture. D’ailleurs, tous les ans le directeur du théâtre devait donner la liste des pièces qu’il prévoyait de produire au Maire. Ce dernier les transmettait au Commissaire Central qui avait pour mission de vérifier si elles étaient correctes et pouvaient être jouées. Ensuite, après accord du Ministère, la liste des pièces retournait à la Préfecture, avec différentes annotations : interdites, recommandées à l’attention du Préfet, avec modification (c’est à dire que certains passages devaient être supprimés ou corrigés avant la présentation au public).

Pistes pédagogiques possibles

Évolution de l’architecture des théâtres

Citoyenneté et réglementation de l’usage des lieux publics

La censure

Atelier

Les archives d’Arles proposent un atelier sur le théâtre « Si le théâtre m’était conté », en une ou deux séances, à destination des collèges (4e, programme de littérature et société, enseignement d’exploration) et lycées (2d générale ou technologique, 1ère histoire).