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FIGURES D’ARLES Le tailleur de pierre arlésien Boris Hoff a été appelé sur le chantier de Notre-Dame-de-Paris après l’incendie qui a ravagé la cathédrale. L’œuvre d’une vie pour cet enfant du Vaccarès, passionné par son métier.
La dernière fois qu’il s’était rendu à Notre-Dame-de-Paris, Boris Hoff avait fait demi-tour. Trop de touristes, beaucoup trop de touristes pour admirer posément le chef-d’œuvre avec son œil d’expert. Lorsqu’il y est retourné, il n’y en avait plus un seul. Un lourd silence baignait dans une odeur de brûlé.
L’Arlésien faisait partie de la dizaine de tailleurs de pierre appelés au chevet de la plus célèbre cathédrale du monde, quatre mois après l’incendie qui a ravagé l’édifice. C’était en juillet 2019. « Je me souviens du premier jour comme si c’était hier : on est monté par la tour nord et on s’est arrêté au premier étage, au niveau du grand orgue, revit-il. En découvrant les trous béants dans les voûtes, on a pris conscience de l’ampleur des dégâts ». Décourageant ? « Au contraire, très excitant, corrige Boris Hoff. On mesure la chance qu’on a de participer au sauvetage d’un monument mythique ».
Une chance, pour ne pas dire un miracle. Vingt ans plus tôt, son dos lâche alors qu’il soulève une pierre sur le chantier de rénovation des arènes d’Arles. Il est contraint d’abandonner la taille de pierre, touche à d’autres matières pour le LERM (Laboratoire d’études et de recherche sur les matériaux) puis Eco Fabrik (création de mobilier) sans savoir s’il pourra un jour réembrasser sa vocation. « Dès que je levais du poids, je ne pouvais plus marcher pendant deux jours. Je n’y croyais plus » confie-t-il. Jusqu’à cette opportunité qui ne se refuse pas. « Lors du rassemblement annuel d’une association de tailleurs de pierre, le patron d’une entreprise qui travaillait déjà à Notre-Dame m’a demandé de les rejoindre. Je ne savais pas comment réagirait mon dos, mais je
ne pouvais pas dire non ».
Il a pensé, sans doute, à sa grand-mère, fidèle des AVA (Amis du Vieil Arles) qui l’emmenait enfant arpenter le patrimoine arlésien. Le petit Boris écarquillait les yeux, comme dans l’atelier de son oncle maçon, où il a pris goût au travail manuel. Ainsi ce minot du Vaccarès, fils d’un pêcheur de l’étang et petit-fils d’un soldat américain débarqué en Provence en 1944, s’est pris de passion pour les vieilles
pierres. Alors soigner Notre-Dame-de-Paris, c’est un peu toucher le Graal. L’Arlésien s’est retrouvé suspendu à 35 mètres de hauteur sur ce chantier hors normes, renforçant les voûtes, sécurisant la nef, débouchant les gargouilles. « Physiquement, c’était dur, raconte Boris Hoff, 50 ans depuis quelques jours. Après la découverte de plomb sur le chantier, on devait travailler masqué avec interdiction de boire pour
éviter les contaminations. Et cinq fois par jour il fallait descendre et remonter 139 marches pour aller prendre des douches. Il faut être un peu fou pour faire ça à mon âge, mais travailler sur des voûtes vieilles de 700 ans, accéder à des endroits de la cathédrale où personne n’a mis les pieds depuis des siècles, ça
n’a pas de prix ».
Un jour, Boris Hoff est tombé sur un journal datant de l’affaire Dreyfus. Sur le chantier, il cache à son tour de petites choses qui au fil du temps deviendront des trésors. « C’est la magie de ce métier : tu poursuis l’œuvre des anciens et tu laisses une trace pour les générations futures » explique l’Arlésien, qui a travaillé 18 mois dans la cathédrale. Son dos a tenu le choc. Tant et si bien que l’Arlésien espère bientôt retrouver Notre-Dame pour une nouvelle mission. Aucun risque, cette fois, qu’il fasse demi-tour.